Dans la petite salle du Théâtre de la Petite Croisée des Chemins, deux comédiennes nous accueillent avec un livre entre les mains. Pas n’importe lequel : Sagan. Ou plutôt les Sagan, ceux qui ont façonné un imaginaire fait de fougue, de mélancolie, d’amour libre et de regards lucides sur l’âme humaine.
Avec Sagan, le miroir des sentiments, Olivia Lauret et Valentine Tessier signent un spectacle délicat et vibrant, où littérature, théâtre et musique se mêlent avec une évidence désarmante.
La liberté comme fil conducteur
Françoise Sagan n’a jamais cessé d’interroger ce qui nous attache, ce qui nous délie, ce qui nous échappe. La pièce rend hommage à cette liberté — liberté d’aimer, d’exister, d’écrire — à travers une forme hybride qui lui ressemble : vivante, indocile, profondément humaine.
On y parle de relations, de désirs, de fragilités. On y évoque surtout l’intimité féminine avec une finesse rare, sans jamais l’enfermer dans une définition. Ici, le féminisme n’est pas un discours : il est une respiration.
Un dispositif scénique sensible et ingénieux
La force du spectacle réside dans son format singulier : alternance de lectures, de scènes jouées et de chansons françaises, presque toutes interprétées par les deux artistes.
À chaque page ouverte, le public entre dans les mots de Sagan. À chaque dialogue, la littérature devient vivante. Et à chaque morceau chanté, l’émotion glisse au premier plan. Le mélange fonctionne à la perfection : on passe de l’écoute attentive à la vibration pure, sans rupture.
Lire un extrait devant le public, livre en main, crée un sentiment d’intimité presque troublant — comme si l’on partageait le secret d’une chambre d’adolescence ou la confidence d’une amie trop lucide.
La scène se fait alors salon, refuge, miroir. Et c’est toute la beauté du dispositif : nous renvoyer nos propres sentiments en même temps que ceux de Sagan.
Un hommage moderne et accessible
Nul besoin de connaître Sagan pour savourer le spectacle : le texte, les voix et la mise en scène suffisent pour ouvrir les portes de son univers.
Comme dans leurs précédents spectacles consacrés à Cocteau ou Colette, Olivia Lauret et Valentine Tessier parviennent à rendre la littérature simple, fluide, vivante — jamais intimidante. Elles brisent le quatrième mur comme on respire, avec douceur.
Le résultat : un public qui rit, s’émeut, écoute, se reconnaît… et ressort avec l’envie irrépressible de (re)lire Sagan.
Une œuvre ou la sensibilité devient matière
Avec Sagan, le miroir des sentiments, la compagnie Ombres Projetées poursuit sa mission ! Mettre l’intime au centre, faire dialoguer la littérature et le présent, replacer la sensibilité au cœur du geste artistique.
Le spectacle tient donc dans cette promesse… Nous rappeler que les émotions ne sont jamais obsolètes. Ou encore que les questions de Sagan — liberté, amour, désir, lucidité — sont encore les nôtres.
Ici, les mots ne sont pas un prétexte. Ils deviennent respiration, cadence, musique.
Et quand les comédiennes referment le livre, quelque chose continue de vibrer…
Le sentiment d’avoir rencontré Sagan autrement, peut-être pour la première fois.
Sagan, le miroir des sentiments
Du 21 novembre au 28 décembre 2025
Le vendredi à 21h et le dimanche à 17h
Théâtre La Petite Croisée des Chemins
43 Rue Mathurin Régnier, 75015 Paris, France
https://www.theatrelacroiseedeschemins.com/programmation/sagan
