Imaginez seulement : un Biggie au sommet de son art, un Jay-Z encore rookie et un Puff Daddy conquérant dans un supergroupe de rap. Avant le fameux “The Firm” de Nas, Foxy Brown et AZ, l’idée d’un groupe de superstars new-yorkais avait déjà émergé dans la tête de Notorious B.I.G.. Malheureusement, sa vie fut enlevée, et avec elle, cette idée : The Commission.
Une année décisive
On est à la fin de l’année 1996. L’année 1997 pointe son nez et derrière elle, un tas de projets qui deviendront, plus tard, légendaires. L’année fut violente. Le 13 septembre 1996 voit la mort du rappeur 2Pac lors d’un drive-by dans les rues de Las Vegas. Sa mort provoque une escalade supplémentaire dans la guerre qui oppose la West Coast à la East Coast. À entendre ici la côte ouest américaine (Californie) contre la côte est (New-York). Ce conflit, qui a pris des allures de véritables guerres, voit émerger deux belligérants : le label Bad Boy Records de Puff Daddy avec Notorious B.I.G. (Christopher Wallace de son vrai nom) contre le label Death Row Records de Suge Knight avec 2Pac (Tupac Shakur de son vrai nom).
Ce conflit secoue toutes les strates de la société américaine : les politiques trouvent un moyen d’indexer le rap comme une musique “violente et qui tue la jeune génération”, des journaux comme VIBE en profite pour vendre du papier, et les fans se déchirent entre 2Pac et Biggie. Des albums sortiront durant cet intervalle comme le célébrissime All Eyes on Me de 2Pac, Illadelph Halflife de The Roots, ou encore ATLiens du groupe d’Atlanta OutKast.
Mais un projet passe assez inaperçu, avant de revenir sur le devant de la scène des années plus tard : Reasonable Doubt du rappeur de Brooklyn, un jeune du nom de Jay-Z. Le magazine The Source le créditera même de 5 étoiles, la plus haute note.
Paix, tranquillité et jambe cassée
Le jeune Jay-Z n’est pas comme les autres. Il côtoie depuis des années, bien avant le rap, dans son environnement, un tas de rappeurs. Tous ayant côtoyé pour la plupart la même école : la George Westinghouse Career and Technical Education High School. C’est d’ailleurs là-bas qu’il fera ses premiers battles de rap avec Busta Rhymes, Earl Simmons (qui, plus tard, s’appellera DMX) et… Notorious B.I.G. Eh oui, le rappeur de Brooklyn connaît Jay-Z depuis des années.
Alors quand Biggie Smalls connaît le succès avec Ready to Die en 1994 et enchaîne les tournées, il fréquente toujours Jay-Z dans les quartiers de Brooklyn. Pour la petite histoire, c’est à Biggie que Jay-Z fera écouter pour la première fois son deuxième album In My Lifetime Vol.1, quelques mois avant la mort de Notorious B.I.G.
Biggie, lui, fin 1996-début de l’année 1997, déprime. Son mariage avec Faith Evans bat de l’aile, il ne voit pas beaucoup sa fille, Lil Kim n’en fait qu’à sa tête et la mort de 2Pac le hante profondément. Il enregistre son deuxième album depuis fin 1995, mais l’inspiration autour de lui n’est que noirceur. Pour couronner le tout, il est victime d’un accident de la route qui l’oblige à marcher avec une canne. Autant d’événements qui le décident à vouloir changer d’air et voir autre chose. « Ma mère, mon fils, ma fille, ma famille, mes amis sont tout ce qui compte pour moi désormais » déclare même t-il.
Des projets plein la tête…
Des projets ? BIG en a toujours eu. Il est créatif, et surtout à de la jugeote. BIG sait, dès 1995, que sa collaboration professionnelle avec son producteur Puff Daddy ne tiendra pas sur la durée. Il confie d’ailleurs à des proches qu’il veut vite se libérer de son contrat avec Bad Boy Records. La légende raconte d’ailleurs que ses avocats se battaient déjà avec Puff pour qu’il récupère son publishing (à savoir ses droits d’auteurs et d’édition).
Il commence à créer sa ligne de vêtements Brooklyn Mint (en hommage à son secteur). Depuis 1994, il a lancé sa structure musicale en parallèle avec Lance “Un” Riveira nommé Undeas Entertainment. Mais il murît une idée depuis quelques temps : lancer un super groupe de rap. Ce super groupe a déjà un nom : The Commission. Il plante le décor : looks de mafieux (un rappel aux plus belles heures de la mafia italienne à New-York), full capitalisme avec un accent sur un lifestyle démesuré. Biggie veut un nom d’entrée : Jay-Z. Jay et lui ont déjà collaboré sur un son qui tourne dans la rue : Brooklyn Finest. Jay-Z collabore encore avec lui dans le second album de BIG avec le son “I Love The Dough”.
Jay-Z et lui veulent ce super groupe pour s’amuser, faire de la musique. Biggie ne veut pas l’album du groupe sur Bad Boy Records. Dame Dash, fondateur de Roc-A-Fella, dira même plus tard que Biggie voulait cet album pour signer chez eux. Après avoir donné trois autres albums à Puff. Comme le stipule son contrat.
Young G’s
Ce groupe doit sceller l’alliance entre Biggie et Jay-Z, mais fait également office de parrainage pour Biggie envers Jay-Z. The Commission, ou la Commission, représente le gouvernement de la mafia italo-new yorkaise. Elle est fondée en 1931 par Charles Luciano. Elle est connue dans l’histoire moderne américaine pour être l’un des syndicats les plus violents du crime organisé à New-York. Drogue, extorsion, prostitution : elle sera même soupçonnée plus tard d’être impliquée dans l’assassinat du président John Fitzgerald Kennedy.

Alors quand Jay-Z et Biggie choisissent ce nom, ce n’est pas pour rien : ils veulent marquer leur empreinte et surtout imposer leur domination. Les consigliere sont déjà tout trouvés ! Biggie les cite dans son morceau What’s Beef de 1997 : “Uncle Paulie (Lance “UN” Riveira”), P. Diddy
Cease-A-Leo De Janeiro (Lil Cease)
Charli Baltimore, Iceberg Slim (Jay-Z)
The most shady—Frankie (Biggie lui-même), baby”. Ce groupe veut marquer la nouvelle domination du rap new-yorkais.
Mais la nuit du 9 mars 1997, tout bascule. Sortie d’une soirée organisée par le magazine VIBE à Los Angeles, une voiture s’arrête à un feu rouge après avoir roulé cinquante mètres. Une Chevrolet Impala vient s’arrêter à la droite de la Chevrolet Suburban de Biggie. Son conducteur baisse la vitre et tire cinq coups de feu, dont quatre touchent le rappeur à la poitrine. Le rappeur est déclaré mort à 1 h 15. Avec lui, toute idée de groupe disparaît.
En 2022, Jay-Z s’exprime enfin sur le projet de The Commission sur un couplet dans le morceau “Neck & Wrist” de Pusha T : “If BIG had survived, y’all would have got The Commission/Hov was gon’ always be Hov/It ’twas the universe will ’cause Allah said so, and now I’m here. (Si BIG avait survécu, vous auriez eu The Commission/Hov était toujours Hov/C’était l’univers qui veut parce qu’Allah l’a dit, et maintenant, je suis ici.). Une manière de clore la page et de faire taire toutes critiques. L’univers du Rap aurait été bien différent si The Commission avait été formée.