Exposition “Paul Poiret. La mode est une fête” au MAD à Paris
© Christophe Dellière
Le musée des Arts décoratifs présente jusqu’au 11 janvier 2026 sa première grande monographie dédiée à Paul Poiret (1879-1944), figure incontournable de la haute couture parisienne du début du XXème siècle.
Considéré comme le libérateur du corps féminin pour avoir jeté le corset aux oubliettes du dressing, Paul Poiret a révolutionné la mode. L’exposition « Paul Poiret. La mode est une fête » nous entraine en immersion dans l’univers foisonnant du créateur, de la Belle Époque aux Années folles. Elle explore toutes les facettes de la création de ce touche-à-tout de génie ! La mode bien sûr, mais aussi arts décoratifs, parfum, fête et gastronomie… Le tout à travers 550 œuvres. L’exposition met en lumière l’influence durable d’une figure qui continue d’inspirer.
Premières armes
Né à Paris en 1879, Paul Poiret commence son apprentissage aux côtés de Jacques Doucet dès 1898. Le premier modèle qu’il créé pour la maison est une cape en laine rouge avec doublure et revers en crêpe de Chine gris, vendue à 400 exemplaires. Mais c’est celle, en tulle noir sur un taffetas noir peint par Billotey, alors célèbre peintre d’éventails, de grands iris blancs et mauves, qu’il réalise et fait porter sur scène par l’actrice Réjane qui va le faire connaitre.
Audacieusement, il utilise le théâtre comme « catwalk », une stratégie marketing qui fera mouche. Cela lui permet ainsi de présenter ses créations les plus avant-gardistes. En 1901, il rejoint Worth puis ouvre sa propre maison de couture en 1903. Il y définit une nouvelle esthétique du corps féminin, en mouvement et sans carcan, rompant avec la silhouette en S du début du siècle, poitrine généreuse projetée vers l’avant et fesses tout aussi volumineuses proéminentes vers l’arrière. En affichant une silhouette sans corset, Poiret présente une vision neuve du corps des femmes. Et, s’il n’est pas le seul à prôner cette réforme vestimentaire, Lucile (Lady Duff Gordon) et Madeleine Vionnet l’ont également promue. Grâce à son sens de la publicité, il devient le fer de lance de ce nouveau look.
Sa ligne, simple, est d’une grande modernité. Sa collection « manifeste » de 1907, laisse transparaitre une inspiration Directoire : taille remontée sous la poitrine, tissus légers, palette chromatique qui fait écho à celle du fauvisme, mouvement pictural qu’il apprécie particulièrement.
Poiret Le Magnifique
Chaque époque a son prophète de la mode, sa Sybille du style, qui, plus que les autres, sait deviner les désirs des femmes. Dans les années 1910, Poiret règne. L’Amérique le baptise «Roi de la Mode ». À Paris, il est le « Magnifique », en référence à l’illustre sultan Soliman. Un surnom approprié pour un couturier qui, sous l’influence des Ballets russes de Diaghilev, s’emploie souvent à explorer les possibilités exotiques et théâtrales du vêtement. Son penchant pour l’Orient, s’exprime ainsi via un certain nombre de créations « signatures ». Citons par exemple l’emblématique tunique « abat-jour » ou le pantalon « sarouel ».
S’inspirant des styles vestimentaires antiques et régionaux, notamment le chiton grec, le kimono japonais et le caftan nord-africain et moyen-oriental, Poiret affirme une prédilection pour les coupes droites et les constructions rectangulaires. Ses drapés mettent en avant une silhouette étirée et taille haute, aux couleurs acidulées et leurs accessoires exotiques, notamment les turbans enroulés à la Madame de Staël.
Après la Première Guerre mondiale, l’orientalisme continue d’exercer une influence considérable sur sa créativité. Mais l’époque a changé, la mode est à présent au modernisme. L’utilité, la fonctionnalité et la rationalité supplantent le luxe, l’ornement et la sensualité. Poiret ne parvient pas à concilier la donne de cette nouvelle esthétique avec sa propre vision artistique. Sa popularité baisse dans les années 1920, entrainant la fermeture de son entreprise en 1929. Cependant, il établit les nouveaux codes du costume moderne. Puis élabora les grandes lignes de ce qui sera l’industrie de la mode au XXème siècle.
« Paul Poiret. La mode est une Fête ».
Musée des Arts décoratifs.
Jusqu’au 11 janvier.
https://madparis.fr/
Article rédigé par Christophe Beaumont.